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11 février 1989. Quatre jours avant le retrait des forces militaires soviétiques d’Afghanistan. un programme inédit voit le jour dans le camps de réfugiés afghans de Risalpur au Pakistan : la première et plus importante  campagne de déminage humanitaire de l’Histoire. A l’époque, le climat de guerre civile ne permet pas à l’ONU d’envoyer une force militaire. On l’accuserait inévitablement de prendre partie, de déminer le mauvais champs, au mauvais endroit, donnant ainsi son soutien à l’un ou l’autre camp. Il faut une autre solution urgente, considérée comme « neutre » par les belligérants.

On invente donc le concept de « démineurs humanitaires ». 2 semaines de formations auprès d’experts militaires américains ou européens, transformeront des volontaires civils  afghans, en éboueurs de guerre. Des millions de mines attendent, tapies dans le sol, les centaines de milliers de réfugiés qui s’apprêtent à retourner dans leurs villages. Pour un salaire qui avoisine les 300 US$ par mois, jusqu’à 8000 personnes vont gratter la terre pour sauver des vies. Depuis plus de 25 ans, ce sont eux qui décontaminent le pays. Des volontaires qui se sont formés sur le terrain, qui s’inspirent de la discipline militaire pour se donner une chance de survie dans les champs de mines. Depuis 2001, les démineurs sont confrontés à un nouveau danger. Les talibans chassés du pouvoir les considèrent soit comme des traîtres, soit comme une opportunité de gagner de l’argent : en dix ans, 516 démineurs ont été enlevés, 506 relâchés après rançon. 6 démineurs sont encore otages, et 4 ont été décapités*.

« La première erreur est la dernière ». Une phrase qu’on retrouve dans la bouche de tous ceux qui, centimètre carré par centimètre carré, rendent un peu de sécurité à la population afghane. Une population qui augmente, qui a besoin de terre pour construire de nouveaux logements, mais qui se heurte au danger invisible des mines et ERW (Explosive Remnant of War), les « restes » de guerre. Sur ce qui fût le théâtre des champs de batailles, et il y en a des milliers en Afghanistan, on trouve pêle-mêle des démineurs, des ouvriers du bâtiments, et les Kabal Wala, ces enfants qui ramassent du métal pour faire vivre leurs familles. Un tableau qui résume à lui seul, la situation actuelle du pays : pauvreté, expansion urbaine dans une insécurité permanente. Depuis 4 ans, une centaine de démineurs ont été mutilés dans l’exercice de leur devoir, 75 ont été tués, soit 4 accidents par mois, dont un mortel. Inlassablement, pas à pas, les démineurs sauvent des vies en risquant la leur. Ils se sont engagés à offrir à la population un peu plus d’espace pour vivre, marcher, courir, sans risquer de perdre la vie ou une jambe …

Héros silencieux, les démineurs humanitaires sont entre deux feux, au côté de la population, dans des conflits qui n’en finissent pas de s’éterniser. Au départ, il avait été calculé que le travail de déminage durerait 123 ans … S’ils parviennent à obtenir les fonds suffisants auprès des donateurs internationaux, ils est possible qu’ils parviennent à décontaminer le pays vers 2023. Si une autre guerre ne réduit pas leurs efforts à néant. Une guerre dont on entend déjà les rumeurs, jusque dans les faubourgs de Kaboul …

 

*En 2015

Réalisé pour Groupe PVP (Texte: Sylvain Braun)